Les mots

Culture

Les jeunes de nos quartiers ne sont pas dénués de culture

Hélène Desmet
Théâtre du Bout du Monde, Nanterre

« Les jeunes de nos quartiers sont expressifs et développent leurs propres codes culturels... »

De mon côté, je ne pense pas que les jeunes de nos quartiers se disent que le théâtre ou les activités artistiques disons « classiques » ou « légitimes » ne sont pas faites pour eux, dans le sens où ils s’en sentiraient exclus du fait de leur condition sociale. Il me semble, en tout cas dans l’expérience que j’en fais au quotidien, que c’est plus une question d’affinité, de rapport aux choses et d’identification. En général nous nous rendons dans une salle de spectacle quand ce qui est proposé nous concerne, quand cela fait écho à des thèmes qui nous passionnent, quand on s’identifie à telles et telles choses. Nous allons rarement voir un spectacle qui ne nous parle pas un minimum. Je pense que c’est la même chose pour les jeunes : quand ils disent que ce n’est pas pour eux c’est peut-être simplement que cela ne leur parle pas, qu’ils n’y trouvent rien d’intéressant par rapport à leurs affinités propres. Car, n’en déplaise à certains, les jeunes de nos quartiers ne sont pas vides, dénués de culture. Ils et elles sont créatifs, expressifs et développent leurs propres codes culturels, qui tendent d’ailleurs à s’imposer de plus en plus à la société, que ce soit dans la musique, la mode, le cinéma ou le langage.

Et à partir de ce moment, notre travail au quotidien en tant que professeur, médiateur ou association artistique, ce n’est pas de nier leurs codes ou de les hiérarchiser par rapport à d’autres… Notre travail consiste simplement à inviter ces jeunes à s’ouvrir à d’autres choses, à de nouveaux horizons esthétiques, artistiques, psychologiques et sociaux ; à partir de ce qu’ils aiment pour, petit à petit, les emmener là où ils ne pensaient pas forcément avoir envie d’aller. Notre but est tout simplement de développer leur curiosité, leur esprit critique, de les secouer, parfois les bouleverser. Et au final, nous aurions toutes et tous besoin de cela, au quotidien.

De la même manière, dans le sens inverse, je pense qu’il y a urgence à ce que les tenants de la culture dite « légitime » ou « classique », s’ouvrent également à d’autres choses et acceptent d’accueillir et de valoriser ces nouveaux langages artistiques. Ils ont tout à y gagner : d’une part, cela participerait à développer leur public ; et d’autre part, cela permettrait à tous les citoyens de se reconnaître dans le patrimoine culturel français, et par extension, dans la société française.